Pathways : Bâtir un nouveau système d’éducation pour l’ensemble des Yukonnaises et Yukonnais

L’an dernier, pendant que les élèves se préparaient à la rentrée scolaire à Dakwäkãda (Haines Junction), le saumon sockeye remontait à Klukshu.

Après des décennies de faibles montaisons, un nombre record de saumons sont remontés au village de pêche de Dakwäkãda des Premières Nations de Champagne et d'Aishihik.

Le retour du saumon était un signe de renouveau de la culture et des traditions, et la nouvelle année scolaire, une promesse de plus de culture, de langue et de connaissances en classe vu la nouvelle Commission scolaire des Premières Nations du Yukon.

En février 2022, huit communautés scolaires ont voté en faveur de l’adhésion de leurs écoles publiques à la nouvelle Commission, notamment l’École St. Elias de Dakwäkãda. En août 2023, trois autres écoles ont fait de même.

Concrétiser la vision

Dans les Premières Nations de Champagne et d‘Aishihik, Dän nätthe äda K’úkhįá (chef Barb Joe), croit que la nouvelle Commission scolaire concrétise la vision de Together Today for our Children Tomorrow.

« Cette vision remonte à 50 ans et nous guide dans notre travail aujourd’hui », dit-elle.

Jeanie McLean, ministre de l’Éducation, abonde dans le même sens. Elle explique que les deux tiers du document portaient sur l’éducation.

« Il y avait une profonde compréhension de l’aspect essentiel de l’éducation pour l’avenir des Premières Nations du Yukon », raconte-t-elle.

L’adhésion à la Commission scolaire permet aux Premières Nations de partager le pouvoir concernant le fonctionnement et les politiques des écoles sur leur territoire traditionnel.

« En tant que Première Nation autonome, le pouvoir et la responsabilité d’éduquer nos enfants font partie de notre droit inhérent. Le pouvoir revient à la communauté. »

Dän nätthe äda K’úkhįá explique que l’adhésion à la Commission scolaire permettra aux écoles d’intégrer la langue dakwanje (tutchone du Sud) et le dän k’e (notre façon de faire) aux programmes d’études pour intégrer une approche pédagogique autochtone globale, multigénérationnelle et basée sur la nature au système d’éducation.

Person participates in ceremony

Bâtir un nouveau système

Melanie Bennett est la directrice générale de la Direction de l’éducation des Premières Nations du Yukon. Elle précise que les Premières Nations se sont battues pour un meilleur système d’éducation pendant des décennies, mais qu’elles opèrent de vrais changements depuis quelques années.

En 2016, le Plan d’action conjoint en matière d’éducation entre les 14 Premières Nations du Yukon, le gouvernement du Yukon et le gouvernement du Canada a été mis sur la glace, et l’écart de performance entre les élèves autochtones et non autochtones se creusait d’année en année.

Le Comité des chefs sur l’éducation a décidé d’agir et a commencé à discuter avec les Aînées et Aînés et les gardiennes et gardiens du savoir de la création d’un système d’éducation dirigé par les Premières Nations.

Melanie raconte que les Premières Nations ont commencé à imaginer un nouveau système.
« Les gens y ont vraiment réfléchi. Des gardiennes et gardiens du savoir demandaient : Connaissons-nous toujours notre système? Parce que nous avons été assimilés par les pensionnats et un système d’immersion en anglais. »

Se servant de la Loi sur l’éducation, les Premières Nations du Yukon ont recommandé la création, par le Comité des chefs sur l’éducation, d’une Commission scolaire des Premières Nations.

Changer les mentalités

Melanie explique que les Premières Nations veulent un modèle d’éducation à leur image et sur lequel elles ont le contrôle.

Pour les Premières Nations, l’apprentissage est plus relationnel et s’échelonne sur le long terme.

Selon elle, c’est une approche très différente du modèle actuel, qui est fondé sur le colonialisme.

« Notre système d’éducation actuel est pratiquement un modèle industriel. Les résultats doivent respecter les normes établies, puis une fois les études terminées, on est lancé dans le vrai monde et on doit se débrouiller. »

Melanie affirme que tout le monde peut profiter de l’approche des Premières Nations, mais que des changements de mentalités sont nécessaires.

« Ce ne sont pas que les Premières Nations qui sont assimilées par ce modèle, c’est l’ensemble de la société. On a une image de l’éducation et dès qu’on en déroge, tout peut se compliquer énormément. »

Rétablir les relations

Melissa Flynn, directrice générale de la Commission scolaire des Premières Nations du Yukon, et son équipe tentent justement de changer la donne.

Melissa décrit sa première année à la Commission scolaire comme un véritable tourbillon.

« Nous avons passé beaucoup de temps à nous déplacer, à manger ensemble et à apprendre à nous connaître. Notre travail, c’est de vraiment écouter les aspirations de la population. »

Melissa affirme qu’une partie importante du plan stratégique de la Commission consiste à outiller les collectivités.

L’un des changements que la Commission veut opérer, c’est de prendre les décisions en fonction des apprenantes et apprenants.
« Nous écoutons les familles et vérifions qu’elles participent au processus décisionnel. Nous voulons rendre les écoles sécuritaires et accueillantes pour les élèves et les familles. »

Melissa affirme qu’il faudra du temps pour rétablir les relations avec les Premières Nations du Yukon.

« Historiquement, les collectivités ne font pas confiance au système d’éducation. Nous en sommes toujours à établir des liens de confiance. »

Nous comptons sur les collectivités et les gouvernements des Premières Nations pour nous guider et pour orienter les mesures prises par chaque école.
Melissa Flynn

Habiliter les Premières Nations du Yukon

Selon l’entente-cadre sur la création d’une Commission scolaire des Premières Nations du Yukon, les gouvernements des Premières Nations ont plus de pouvoir et de contrôle sur l’éducation.

Melissa explique que les écoles en sont déjà à réorganiser leur année scolaire en fonction de leurs pratiques culturelles.

Cette année, l’École Nelnah-Bessie-John de Beaver Creek a modifié son calendrier. La rentrée s’est faite à la fin de juillet, ce qui permettra aux élèves d’avoir des pauses plus fréquentes et plus longues pendant l’année pour passer du temps en famille et faire des activités culturelles. Les Premières Nations de Champagne et d’Aishihik ont fondé leur comité communautaire, ce qui leur permettra de partager le pouvoir de gestion du fonctionnement de l’école, notamment ses plans et politiques, et les programmes locaux et de langues autochtones.

Pour Dän nätthe äda K’úkhįá, le comité permet à la communauté de soutenir les élèves autochtones en favorisant la participation des familles.

La réconciliation par l’éducation

Selon la ministre McLean, l’éducation est essentielle à la réconciliation, qui profite à toute la population du Yukon.

« Le ministère de l’Éducation travaille fort pour bâtir un système public plus inclusif et s’assurer que les écoles permettent à l’ensemble des élèves d’apprendre les traditions et les manières de savoir, de faire et d’être des Premières Nations. »

Elle souligne que la Commission scolaire a un rôle important à jouer.

Tout comme le retour du saumon à Klukshu, la nouvelle Commission scolaire augure un avenir meilleur pour la prochaine génération.

Commission scolaire des Premières Nations

First Nation School Board of Trustees wearing blankets as they are sworn in.

Ministère de l’Éducation

La Commission a été fondée en février 2022, au lendemain du vote d’adhésion favorable de huit écoles.

Par des comités communautaires, la Commission accorde aux Premières Nations un pouvoir partagé avec le gouvernement du Yukon concernant l’éducation sur leur territoire traditionnel. Les écoles relevant de la commission continuent de suivre le programme de la Colombie-Britannique, mais les cours, les modes d’enseignement et les méthodes d’évaluation sont adaptés aux perspectives des Premières Nations du Yukon.

Les écoles relevant de la Commission adoptent une approche de l’apprentissage centrée sur l’élève. Les apprenantes et apprenants sont au cœur de chaque décision, suivie des familles, du territoire, des équipes scolaires, des Premières Nations, des comités communautaires, des Aînées et Aînés et des gardiennes et gardiens du savoir.

En 2023, trois autres écoles ont voté leur adhésion à la Commission. Cette dernière compte maintenant 11 écoles publiques sur le territoire.

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