Pathways : Co-gouvernance de l’éducation sur le territoire traditionnel des Trʼondëk Hwëchʼin
Pendant des années, l’éducation a été un outil d’assimilation partout au pays. Et c’est une expérience qu’ont effectivement vécue beaucoup de membres des Trʼondëk Hwëchʼin.
Jody Beaumont est directrice de l’éducation pour le gouvernement des Trʼondëk Hwëchʼin. Elle explique que l’éducation est devenue une grande priorité dans la négociation des revendications territoriales. Les Trʼondëk Hwëchʼin croient que l’éducation est le pilier d’une société forte.
« Le groupe de travail sur les revendications territoriales des Trʼondëk Hwëchʼin a reconnu l’importance de l’éducation pour bâtir un avenir radieux et prospère pour la nation, dit-elle. L’éducation est cruciale à l’autonomie, à la compréhension de notre identité et à la mise en place des outils permettant à la population de contribuer à la société. »
Jody affirme que les Trʼondëk Hwëchʼin ont vu les élèves être abandonnés par le système d’éducation.
« C’est vraiment ce qui a motivé la communauté durant les revendications. Le groupe de travail voulait mettre des outils en place pour ramener l’équité en éducation et garantir que la Première Nation pouvait orienter et gouverner n’importe quel système d’éducation sur son territoire traditionnel. »
Pour assurer le partage des responsabilités en éducation entre le gouvernement du Yukon et les Trʼondëk Hwëchʼin, ces derniers ont proposé l’ajout de l’article 17.7 à leur entente sur l’autonomie gouvernementale.
« Cette entente visait à établir une relation de co-gouvernance entre le gouvernement du Yukon, le gouvernement du Canada et les Trʼondëk Hwëchʼin pour l’élaboration, la prestation et l’administration des programmes d’éducation », explique Jody.
Co-gouvernance en éducation
En 2013, en application de l’article 17.7 de l’entente sur l’autonomie gouvernementale des Trʼondëk Hwëchʼin, le gouvernement du Yukon et la Première Nation ont signé une entente en matière d’éducation qui prévoyait la création d’un comité de surveillance les représentant de manière égale. Ce comité a produit un plan de travail établissant les priorités communes des deux partenaires.
Suzan Davy, sous-ministre adjointe des Initiatives autochtones au ministère de l’Éducation, avoue que la co-gouvernance était un grand changement pour le gouvernement et qu’il a fallu du temps pour comprendre les paramètres de la relation.
« Il y a 10 ans, on ne parlait pas de co-gouvernance avec les Premières Nations; c’était un concept qui n’existait pas encore. Il a fallu comprendre certaines choses, mais nous sommes maintenant sur la bonne voie. »
Jody abonde dans le même sens. Elle explique qu’il ne s’est pas passé grand-chose pendant une décennie, mais que les choses ont évolué dans les dernières années.
Dans la dernière année, le gouvernement du Yukon a donné plus de ressources à Initiatives autochtones, qui a pu prioriser ce domaine.
« Nous bâtissons notre équipe, affirme Suzan. Nous devons maintenant joindre le geste à la parole concernant nos priorités communes pour gagner la confiance des figures dirigeantes et de la population. »
Jody souligne que l’application de ces changements n’est pas simple. « L’un des plus grands défis consiste à expliquer le savoir Dënezhu. L’éducation, pour le Ministère, s’articule autour des programmes et services, mais pour les Dënezhu, elle est axée sur le changement systémique. »
Il faut sortir de cet esprit de confrontation et unir les forces du savoir traditionnel et du système occidental au profit de chacun.Jody Beaumont
Améliorer le système
Le groupe de travail sur les revendications territoriales voulait bâtir un système d’éducation qui sert mieux les Trʼondëk Hwëchʼin et les gens vivant sur leur territoire traditionnel.
Jody explique que l’article 17.7 a été pensé dans l’esprit du document Together Today for Our Children Tomorrow.
« Ce document traite de concertation entre les gouvernements dans l’idée de créer un système qui améliore la vie de l’ensemble de la population. »
Jody affirme que le système actuel est déficient. Certains messages bien ancrés font subtilement comprendre aux enfants autochtones qu’ils n’ont pas leur place.
« Nous avons besoin d’un meilleur système tenant compte des terres sur lesquelles nous vivons et des valeurs des personnes qui s’y trouvent. Le système doit inciter et motiver les jeunes et moins jeunes à contribuer, toute leur vie, aux enjeux locaux. »
Suzan affirme que l’approche des Trʼondëk Hwëchʼin en éducation est un modèle pour le territoire.
« Le ministère de l’Éducation fait partie intégrante de leur système scolaire, ce qui est unique dans le territoire, en plus d’être directement lié à la co-gouvernance. »
Les Trʼondëk Hwëchʼin et le gouvernement du Yukon bâtissent un nouveau modèle de co-gouvernance de l’éducation qui concrétise la vision de Together Today for Our Children Tomorrow.
Trʼondëk Hwëchʼin
Article 17.7 : co-gouvernance de l’éducation
Entre 1992 et 1997, le groupe de travail sur les revendications territoriales des Trʼondëk Hwëchʼin s’est réuni chaque jeudi. Il comptait 10 membres officiels, mais ses réunions étaient ouvertes à l’ensemble des membres de la Première Nation.
L’éducation était une priorité pour le groupe, qui était conscient que les élèves Trʼondëk Hwëchʼin étaient abandonnés par le système et que ce dernier devait être modifié. Le groupe a imaginé un système d’éducation unifié à Dawson à l’image de l’interculturalité de la ville.
Les Trʼondëk Hwëchʼin voulaient un système où chaque élève, de la Première Nation ou non, peut apprendre et grandir avec ses pairs. Les programmes d’études amalgameraient l’histoire, la culture, la langue et la géographie des Trʼondëk Hwëchʼin et l’éducation occidentale. Il s’agirait d’un véritable partenariat, co-gouverné par le gouvernement du Yukon et la Première Nation.
Pour garantir le partage des responsabilités, les Trʼondëk Hwëchʼin ont proposé de modifier l’article 24.3.2 de l’Accord-cadre définitif et d’ajouter l’article 17.7 à leur entente sur l’autonomie gouvernementale.
Le nouvel article garantit que le gouvernement « négocie la répartition et le partage des responsabilités pour la conception, la fourniture et l’administration » des programmes d’éducation.
Les Trʼondëk Hwëchʼin se sont battus bec et ongles pour l’article 17.7, qui leur donne le pouvoir de co-gouverner tout ce qui touche l’éducation sur leur territoire traditionnel. En juillet 1998, la Première Nation a signé ses ententes définitives et ententes sur l’autonomie gouvernementale.
À l’époque, c’est la seule Première Nation du territoire à avoir ajouté l’article à son entente. Toutefois, quatre autres l’ont fait depuis, en concertation avec les gouvernements du Yukon et du Canada.
Aujourd’hui, les Premières Nations de Carcross/Tagish, de Selkirk, de Little Salmon et de Carmacks, et le Conseil des Ta'an Kwäch'än, peuvent aussi co-gouverner l’éducation sur leurs territoires traditionnels. Les gouvernements du Yukon et du Canada continuent de collaborer avec les autres Premières Nations du territoire souhaitant faire ce changement.
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