Pathways : Faire équipe pour servir et aider les familles des Premières Nations
En juin 2023, le gouvernement de la Première Nation des Tr’ondëk Hwëch’in et le gouvernement du Yukon ont signé un protocole d’entente pour une prestation collaborative des services à l’enfance et à la famille.
Ce protocole oriente la collaboration des deux administrations, du personnel de première ligne et des cadres, et prévoit des approches globales tenant compte des traumatismes pour assurer la sécurisation culturelle.
Directrice des Services à l’enfance et à la famille du gouvernement du Yukon, Leeann Kayseas affirme qu’il revient légalement aux Services de voir à la sécurité et au bien-être des enfants vulnérables en fournissant des services aux enfants et aux familles.
« Les Services à l’enfance et à la famille collaborent avec les familles et les Premières Nations du Yukon pour que les enfants conservent leurs liens avec leur famille, leur collectivité et leur culture lorsque nous leur fournissons des services », explique-t-elle.
Tisser des liens
Allison Kormendy est directrice de Ni’ehłyat Nidähjì' (Our Families, our Future), un organisme de la Première Nation des Tr’ondëk Hwëch’in qui administre, gère et offre des programmes et services aux enfants, aux jeunes et aux familles de la Première Nation.
Elle explique que le protocole d’entente avec le gouvernement du Yukon repose sur les valeurs et principes des Tr’ondëk Hwëch’in :
« Il reflète les valeurs qui nous sont chères, soit l’intégrité, l’équilibre, l’interdépendance, le respect, la responsabilisation, la coopération, la sécurisation culturelle, l’égalité réelle et la transparence. »
Leeann ajoute qu’il faut notamment collaborer avec chaque gouvernement des Premières Nations du territoire pour que le protocole tienne compte des différentes croyances et valeurs traditionnelles.
« On s’assoit ensemble et on discute de ces questions en profondeur », raconte-t-elle.
Cette approche peut favoriser les relations et réunit les deux gouvernements dans un cadre de reconnaissance et de respect mutuels.
Le processus rappelle à Allison un conseil qu’une personne Aînée de la Première Nation des Tr’ondëk Hwëch’in lui a récemment donné, soit qu’il faut apprendre à chevaucher deux mondes, celui de ses traditions et de sa culture, et le monde moderne avec ses lois et politiques.
Directrice de l’administration de la justice pour la Première Nation des Kwanlin Dün, Terri Cairns encadre les services de soutien à l’enfance et à la famille, de justice réparatrice et de sécurité communautaire, et de loisirs.
Dans les trois dernières années, les services et ressources pour les enfants et les familles de la Première Nation ont plus que doublé, mais ça n’a pas toujours été ainsi.
Après des années de tension avec le gouvernement du Yukon à propos des travailleuses et travailleurs sociaux qui prennent en charge les enfants, la Première Nation et l’administration territoriale ont mis sur pied, en 2011, un comité de liaison responsable de la protection de l’enfance.
Le comité a servi de cadre pour l’échange d’information, la planification concertée, et l’instauration et l’évaluation des services de protection de l’enfance.
En 2012, la Première Nation des Kwanlin Dün et le gouvernement du Yukon ont signé un protocole d’entente – le premier en son genre – qui officialisait leur relation de travail et a contribué à ouvrir les voies de communication et à réparer les préjudices passés.
« Le protocole repose sur des buts communs, soit fournir des programmes et services de protection de l’enfance qui assurent la sécurité des enfants de la Première Nation, tout en préservant leurs liens avec leur famille, leur collectivité et leur culture », précise Terri.
Rendre les collectivités plus fortes
Les protocoles d’entente sur la protection de l’enfance entre le gouvernement du Yukon et les Premières Nations marquent une étape importante vers la collaboration.
Selon Allison, le protocole garantit aux familles et aux enfants de la Première Nation des Tr’ondëk Hwëch’in des services de soutien complets.
« Je crois que les retombées de certains programmes et services seront astronomiques, soutient-elle. Les familles obtiendront l’aide dont elles ont besoin en toute sécurité. »
Pour l’équipe de Leeann, ces protocoles clarifient les rôles entre les deux gouvernements.
« Ils nous aident à véritablement comprendre la nature de cette relation et l’approche à adopter avec les familles », indique Leeann.
Allison estime que beaucoup de mécanismes gouvernementaux ne fonctionnent pas avec les Autochtones, mais que le protocole d’entente offre l’occasion de tirer des leçons des erreurs passées et d’aller de l’avant.
« On peut dorénavant intégrer les apprentissages issus de nos expériences, de notre savoir et de notre sagesse à nos processus et politiques », ajoute-t-elle.
En 2018, le gouvernement du Yukon a mis sur pied une équipe de soutien à la famille dans le lotissement McIntyre pour la Première Nation des Kwanlin Dün.
L’équipe offre des services d’intervention et effectue des visites à domicile, mais comme le prévoit le protocole d’entente, les travailleuses et travailleurs sociaux des Services à l’enfance et à la famille ne peuvent rencontrer une famille ou faire une visite à domicile qu’en présence d’une agente ou un agent de liaison des Services à la famille et à l’enfance de la Première Nation des Kwanlin Dün.
Terri affirme que le projet a favorisé la réconciliation et eu des retombées positives pour les familles.
« Il s’agissait d’un projet pilote collaboratif qui a permis de développer une approche cohérente et culturellement adaptée des pratiques de protection de l’enfance dans la Première Nation des Kwanlin Dün », explique-t-elle.
Réappropriation des pouvoirs
Selon les ententes définitives, les Premières Nations du Yukon peuvent administrer et gérer leurs propres programmes et services à l’enfance.
Leeann considère son travail comme une solution à court terme, sachant que les Premières Nations du territoire ont compétence sur les services à l’enfance et à la famille, et que le gouvernement du Yukon n’assure la prestation de ces services que dans l’intervalle.
Selon elle, il revient aux Services à l’enfance et à la famille, en tant que fournisseur de services, de trouver la meilleure façon de travailler avec les Premières Nations du Yukon en application de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille.
« Il faut trouver comment y arriver ensemble pour que les familles, les enfants et les jeunes reçoivent les services nécessaires, et que la Première Nation participe au processus », affirme-t-elle.
À Dawson, Ni’ehłyat Nidähjì, l’organisme que dirige Allison, en est encore à ses balbutiements.
Avec l’aide de la population et du gouvernement des Tr’ondëk Hwëch’in, l’organisme grandit et s’adapte pour mieux répondre aux besoins de la collectivité.
Selon Allison, la priorité de la Première Nation des Tr’ondëk Hwëch’in sera d’obtenir compétence sur ces services et de se doter de lois qui intègrent ses valeurs et principes aux politiques, une étape importante dans son parcours vers l’autodétermination.
Dans la Première Nation des Kwanlin Dün, la transition est déjà amorcée. En 2020, l’équipe de liaison des services à l’enfance et à la famille de la collectivité s’occupait déjà des dossiers et n’avait plus besoin de l’aide de l’équipe de soutien à la famille du gouvernement.
Selon Terri, les chiffres témoignent de l’amélioration des services.
« Le nombre de dossiers de protection de l’enfance a diminué, tout comme le nombre d’enfants de la Première Nation pris en charge », explique-t-elle.
En 2023, la plupart des dossiers de l’équipe concernent des familles de la Première Nation ayant demandé de l’aide avant que leur situation ne s’aggrave, alors qu’il y a trois ans, la plupart touchaient la protection de l’enfance.
Les Premières Nations et le gouvernement du Yukon se concertent pour trouver des méthodes de collaboration qui permettent d’aider au mieux les enfants et de changer concrètement et positivement les choses pour les familles.
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