Pathways : Le paysage changeant de la gouvernance au Yukon

En 2023, le Yukon a célébré plusieurs anniversaires importants : le 125e anniversaire de la création du territoire, le 50e anniversaire du document d’orientation Together Today For Our Children Tomorrow, le 30e anniversaire de la signature de l’Accord-cadre définitif et enfin, le 20e anniversaire du transfert de pouvoirs du gouvernement fédéral au territoire.

Yukon First Nation leaders are standing in front of the Parliament buildings in 1973 after they delivered their Together Today for Our Children Tomorrow document to the federal government.

Archives du Yukon, collection Judy Gingell, 98/74, n° 1

Les relations entre l’administration territoriale et les gouvernements des Premières Nations ont énormément évolué, un parcours qui a été parsemé d’embûches et de réussites.

La vision des Premières Nations du Yukon n’a pas changé pendant des décennies : des appels à un traité du chef Jim Boss dans les années 1900 en passant par le document Together Today for Our Children Tomorrow en 1973, les Premières Nations aspirent à jouer un rôle plus important dans la gouvernance du territoire. Elles veulent travailler en partenariat et contrôler les programmes et services qui les concernent.

Appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Depuis la publication du rapport de la Commission de vérité et réconciliation en 2015, la réconciliation est devenue un moteur de changement au Yukon et partout au pays.

« La réconciliation et la collaboration avec les gouvernements des Premières Nations sont des engagements centraux pour le gouvernement du Yukon », déclare le premier ministre Ranj Pillai.

Selon Brian MacDonald, des documents comme les appels à l’action de la la Commission de vérité et réconciliation et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones braquent les projecteurs sur la relation entre les Premières Nations et la Couronne, et sur les torts passés. « Je crois qu’ils mettent de la pression sur les gouvernements et font vraiment ressortir l’obligation qu’ils ont de mieux faire », estime-t-il. Membre des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik, Brian est sous-ministre adjoint des Relations avec les Autochtones au gouvernement du Yukon.

Lorsqu’il est question de ces documents nationaux et internationaux, Peter Johnston, grand chef du Conseil des Premières Nations du Yukon, est catégorique : les Premières Nations du territoire ont exprimé très clairement leur vision de la réconciliation bien avant la publication des appels à l’action et de la Déclaration.

« La priorité, c’est d’utiliser les outils que nous avons négociés pendant plus de 20 ans, explique-t-il. Le Yukon a les meilleurs accords du pays, peut-être du monde entier. »

Selon lui, on étudie et on scrute les Premières Nations du territoire et on leur trouve des maux depuis des années, et cela doit absolument cesser, car il est temps d’exécuter concrètement les accords.

« La Déclaration et les appels à l’action de la la Commission de vérité et réconciliation viennent valider la vision des dirigeantes et dirigeants des Premières Nations qui ont produit Together Today for Our Children Tomorrow, l’Accord-cadre définitif et les ententes sur l’autonomie gouvernementale, affirme Brian. Leur vision de l’autonomie était celle d’un Yukon prospère, où les Premières Nations étaient des partenaires à part entière. »

« Les appels à l’action et la Déclaration orientent l’approche du gouvernement quant à la réconciliation, mais ce sont les traités modernes et nos priorités communes – fixées dans le cadre du dialogue entre les gouvernements et du Forum du Yukon – qui l’encadrent », précise le premier ministre Pillai.

On May 29, 1993, the Umbrella Final Agreement was signed by the Government of Canada, the Government of Yukon and the Council of Yukon First Nations.

Un manque d’effectif

La gouvernance au Yukon s’est transformée entre 1993 et 2005, avec la signature de l’Accord-cadre définitif et des 11 ententes définitives sur l’autonomie gouvernementale, en plus des changements découlant du transfert de responsabilités.

Le gouvernement du Yukon et ceux des Premières Nations du territoire assument tous un rôle relativement nouveau et manquent d’effectif pour s’acquitter de leur mandat élargi.

« Nous traversons tous une période de transition intense, indique Daryn Leas, avocat et membre de la Première Nation des Tr’ondëk Hwëch’in. En raison des revendications territoriales, le gouvernement du Yukon a assumé plus de responsabilités touchant les partenariats et la collaboration avec les Premières Nations. En vertu de l’Accord de transfert des attributions, il doit aussi s’occuper des ressources en eau ainsi que des ressources foncières et forestières. C’est beaucoup de pression pour le personnel. »

Le grand chef Johnston s’inquiète également de ce manque d’effectif : « Les Premières Nations du territoire devraient avoir à un rôle à jouer dans tous les aspects de la gouvernance du Yukon, mais on n’arrive pas à saisir toutes ces occasions. Le manque d’effectif est un gros problème. »

Il souligne que maintes Premières Nations du territoire souffrent encore des conséquences de la colonisation. Beaucoup de gens arrivent tout juste à survivre, car ils doivent composer avec une consommation d’opioïdes, la pauvreté et des traumatismes.

« Notre réussite dépend des ressources humaines, tant du côté des Premières Nations que de celui du gouvernement », affirme Brian. Concernant la croissance démographique au Yukon et l’arrivée de nouvelles et nouveaux fonctionnaires, il estime qu’il sera important de recruter et de garder en poste des personnes qui comprennent l’importance des relations entre le gouvernement territorial et ceux des Premières Nations ainsi que des traités du Yukon. Selon lui, la solution passe inévitablement par un système d’éducation solide.

Des négociations à l’exécution

D’après Daryn, le Yukon est un exemple pour le reste du Canada, car aucun autre territoire ni aucune province ne compte autant de gouvernements autonomes, ce qui donne lieu à une situation unique en son genre – la gouvernance collaborative.

Les relations entre le gouvernement du Yukon et ceux des Premières Nations se transforment au fil de la transition des négociations vers l’exécution. Les dernières ententes définitives et ententes sur l’autonomie gouvernementale ont été signées en 2005 avec les Premières Nations des Kwanlin Dün et de Carcross/Tagish.

Daryn et Brian font remarquer que la nature des relations est passée de conflictuelle pendant les négociations à collaborative pour l’exécution des ententes, et qu’il s’agit là d’une grande adaptation pour tout le monde.

« Négocier est difficile, explique Daryn, qui a participé aux négociations sur les revendications territoriales. Le processus est tendu et frustrant pour toutes les parties. »

« Une fois les ententes signées, nous sommes devenus des partenaires de leur exécution, ajoute-t-il. Ce fut difficile parce qu’il faut beaucoup de temps pour établir un climat de confiance, particulièrement avec des gens avec qui on a négocié. »

La clé du succès

« On sait qu’on ne peut pas répondre aux besoins des Yukonnaises et Yukonnais sans aide, indique le premier ministre Pillai. Il faut collaborer étroitement avec les gouvernements des Premières Nations pour faire prospérer l’économie, bâtir des collectivités saines et protéger l’environnement. »

Pour Brian, la réconciliation suppose tout d’abord de reconnaître les torts passés, puis de s’engager à collaborer davantage pour la suite des choses.

« Le Forum du Yukon et le Forum intergouvernemental sont des cadres où nous décidons sur quoi nous concerter comme gouvernements », précise le premier ministre Pillai.

Pour Daryn, la clé du succès, c’est la collaboration : « Il n’est plus possible de gérer le territoire et les ressources en vase clos, selon les champs de compétences de chacun, car si on fonctionne ainsi, cela se traduit par une gestion inefficace et par des services de moindre qualité pour la population. »

Pour Brian, il est clair que la réconciliation est un parcours continu : « Ce ne sera jamais parfait. Il s’agit d’une relation qui évolue, qu’il faut réajuster et rééquilibrer, et il faut être disposé à faire les choses différemment et à se questionner. »

S’adapter au changement

Pour les dirigeantes et dirigeants du Yukon, il est important de faire savoir que réconciliation est synonyme de changement, et que le changement est éprouvant et ne se fait pas en deux temps trois mouvements. La réconciliation suppose d’effacer des décennies de politiques, lois et pratiques gouvernementales colonialistes et racistes, et de changer notre façon de penser, notre culture et nos institutions.

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