Pathways : Le programme de justice Dena Keh s’inspire de la culture kaska pour favoriser la justice réparatrice

Selon May Stewart, appeler à l’aide ne sert pas à grand-chose si personne n’écoute.

May, qui est directrice du programme de justice Dena Keh, affirme que la Première Nation de Liard a demandé de l’aide au ministère de la Justice pendant des années avant qu’on lui réponde. Ce sont Kelly Allen et Joanne Green, de l’équipe communautaire du Centre de mieux-être de Justice Yukon, qui lui ont tendu la main.

« On était planté là à demander de l’aide depuis longtemps et Kelly a dit “il faudrait bien les écouter”. On doit vraiment reconnaître le travail de ces deux femmes; elles nous ont ouvert les portes du système judiciaire. »

Elle affirme que sans Kelly et Joanne, la communauté éprouverait toujours de la difficulté.

Le programme de justice Dena Keh de la Première Nation de Liard (À notre façon) est un programme communautaire de justice alternative utilisant une approche globale pour rétablir l’harmonie dans la collectivité à la manière de la Première Nation.

Rétablir l’harmonie

Selon Daniel Dick, travailleur de la justice, le programme de justice Dena Keh habilite la nation Kaska à exercer plus de responsabilités concernant l’administration de la justice dans la collectivité.

« Nous voulons créer un système de justice équitable et inclusif qui répond à nos besoins. Notre objectif est d’aider les gens à s’y retrouver dans le système, à assumer leurs actes et à commencer à guérir. »

May affirme que les Aînées et Aînés sont au cœur du programme, car en tant que gardiennes et gardiens du savoir, elles et ils orientent la guérison.

« Les Aînées et Aînés apportent soutien, compréhension, expériences et contexte traditionnel au processus. Elles et ils aident les personnes ayant causé du tort à prendre conscience de leurs actes et à changer leur comportement pour rétablir l’harmonie. »

Liard First Nation’s Dene Keh Justice team. Back row: Georgina Smith, May Stewart, Melissa Charlie, Daniel Dick (L-R). Front row: Brandy Tizya, Nicole Poppe (L-R)

Première Nation de Liard

Une perspective culturelle

Pour May, le programme met la culture kaska au centre du processus judiciaire.

« Le système de justice occidental est incompatible avec notre peuple, qui ne le comprend pas et se demande pourquoi les personnes causant du tort n’ont pas à répondre de leurs actes. »

Dans le système Dena Keh, les victimes jouent un rôle central en rétablissant l’harmonie, et la personne contrevenante se défend elle-même. Selon May, tout le monde y gagne.

« Dans notre système de justice culturel et communautaire, la responsabilité incombe à la personne responsable du préjudice, qui doit assumer ses actes et réparer les torts causés à la victime. »

Instaurer un processus judiciaire solide

Il a fallu beaucoup d’efforts et de confiance pour instaurer le programme Dena Keh.

Kelly souligne que sans May et le leadership, le soutien et le dévouement de son équipe pour répondre aux besoins de la communauté kaska, rien de tout cela n’aurait été possible. Selon May, le succès du programme est attribuable à la participation de la population.

« Les victimes comme les personnes contrevenantes doivent avoir confiance dans le système et le sentiment que le résultat sera celui souhaité et qu’elles seront heureuses du dénouement. »

May conseille aux autres nations souhaitant instaurer leur propre programme de laisser les Aînées et Aînés encadrer le processus.

« Il faut inclure les gardiennes et gardiens du savoir – Aînées et Aînés et jeunes – dans la mise en place d’un processus de justice solide. Les gens font confiance aux Aînées et Aînées et à leur savoir. Ces personnes veillent à l’utilisation de nos coutumes et traditions culturelles. »

Maintenant que la porte est ouverte, Joanne Green affirme que son équipe du Centre de mieux-être de Justice Yukon consulte d’autres collectivités pour savoir comment créer plus de programmes de justice alternative.

Joanne dit que son rôle consiste à épauler les collectivités et à les laisser créer le système qui correspond à leurs besoins.

« Je pense que beaucoup de collectivités envisagent de créer des programmes de justice. Nous avons fait preuve de proactivité, mais devons les laisser venir à nous et non aller vers elles. »

Joanne encourage les collectivités à prendre le temps de définir leur système. Dès qu’elles auront un plan, elle sera prête à les aider.

Programme de justice Dena Keh

Ce programme de justice alternative communautaire s’inspire d’un modèle circulaire de justice et est axé sur les valeurs et traditions kaskas.

En voici les objectifs :

  • Réparer les dommages causés;
  • Améliorer la justice sociale pour les victimes et la collectivité;
  • Aider la personne contrevenante à reconnaître et à comprendre son comportement, puis la guider dans son processus de guérison.

Le processus

La victime, la personne contrevenante, la famille, des membres de la collectivité et une intervenante ou un intervenant formé participent à une conférence familiale.

Durant cette conférence, la victime peut se faire entendre, et la personne contrevenante peut reconnaître ce qu’elle a fait et réparer ses erreurs. La famille et les membres de la collectivité peuvent aussi exprimer leurs préoccupations et leurs sentiments.

À la fin, la personne contrevenante assume ses actes et en est tenue responsable. Les participantes et participants concluent une entente pour réparer les préjudices.

Le résultat

À la fin du processus, la personne contrevenante se présente devant une ou un juge, qui décide de suspendre les procédures ou de porter des accusations au criminel.

Une personne contrevenante n’aura pas de casier judiciaire si elle opte pour le processus Dena Keh et respecte son entente.

Mais dans le cas contraire, elle devra faire face au système de justice pénale et recevra une peine normale (amende, peine de prison ou période de probation).

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